Bienvenue !

Soyez les bienvenus sur ce blog qui retrace mon périple d'une année et demie au Canada. J'espère qu'à travers celui-ci, vous pourrez découvrir en partie ce chaleureux et fantastique pays !
N'hésitez pas à partager l'adresse de ce blog, et tout commentaire ou suggestion sera bien évidemment plus que bienvenu.

Merci de votre visite, et bonne lecture !

Pour les amateurs de films, n'hésitez pas à visionner les vidéos que j'ai réalisées sur mon aventure canadienne !

24 déc. 2011

Les Têtes à claques

Nous avons tous visionné certains clips des Têtes à claques, notamment le mythique et hilarant Willy Waller 2006, que vous pouvez visionner ci-dessous. L'idée est née dans la tête d'un ancien publicitaire, Michel Beaudet. Ce dernier voulait initialement créer une émission éducative pour enfants. Il se rendit rapidement compte que le comique de certains de ses clips connaissait un franc succès. Il s'inspira alors de la technique d'animation du film Chicken Run en façonnant des personnages en pâte à modeler, remplaça leurs yeux et leur bouche par les siens, et adopta un ton humoristique parfois cynique. Un mois seulement après son lancement, le site comptabilisait déjà 500.000 visiteurs. En France, les clips rencontrèrent également un grand succès très rapidement.

Aujourd'hui, les Têtes à claques sont si connues que de nombreux Français les évoquent presque automatiquement lorsqu'ils rencontrent des Québécois. A tel point que certains d'entre eux ne supportent plus la simple mention de ces clips. Alors mes chers compatriotes, un bon conseil : veuillez garder les Têtes à claques pour vous, ou du moins jusqu'au deuxième rendez-vous !




Et après le succès sans pareil du Willy Waller 2006, et pour le plaisir je vous propose le visionnage d'un autre clip des Têtes à claques : Halloween et ces deux bambins rusés et hilarants !

 








Renaud TEILLARD




7 déc. 2011

Le Hockey sur glace et les Habs

Au Canada, et plus particulièrement au Québec, le hockey sur glace constitue une véritable religion, au même titre que le football en Europe. Véritable institution et fierté "nationale", l’équipe du Canadien de Montréal crée d’innombrables liens entre tous, que l’on soit un fanatique du sport ou un simple amateur comme moi. Si ce sport donne avant tout une impression de violence, car l’un des seuls où les combats sont autorisés (à partir du moment où 2 joueurs adverses jettent à terre crosses et gants, le jeu est arrêté et l’arbitre laisse les deux adversaires s’expliquer…), on s’y habitue vite et on apprécie les rares moments de violence, tel un exutoire. Ceci dit, il y a encore quelques années, le port du casque était optionnel, et les combats entre joueurs très violents, comme en atteste ce court extrait d’un film devenu culte, Slap Shot . Aujourd’hui, ceux-ci se font beaucoup plus rares et moins impressionnants. Ainsi, parmi tous les matchs que j’ai pu regarder, je n’ai assisté qu’à un combat en moyenne.


En faisant abstraction de l’impression de violence qui ressort de la virilité démontrée par ce sport, on se prend rapidement au jeu. Dès les premières semaines de mon séjour à Montréal, je me rendais ainsi régulièrement dans des bars pour suivre les péripéties du Canadien, ce qui me permettait également de faire des rencontres passionnantes. Rien de tel pour lier connaissance que demander des explications à propos de telle règle obscure.

Pour la petite histoire, la Ligue Nationale de Hockey (LNH) fut créée à Montréal même en 1917, après avoir vu les règles être créées à l'Université McGill de Montréal. A ses débuts, l’association sportive ne comptait que des équipes canadiennes, dont deux montréalaises. On peut ainsi affirmer sans complexe que la métropole québécoise reste le berceau du hockey sur glace. Six années après la création de la LNH, les Bruins de Boston voyaient le jour. Cette dernière équipe est à ce jour l’ennemi public numéro 1 à Montréal. Aujourd’hui, la LNH regroupe 30 équipes du Canada et des Etats-Unis d’Amérique, et se divise en deux conférences, Est et Ouest. Chaque année, toutes les équipes disputent 82 parties au cours de la saison régulière, qui a lieu jusqu’en avril, et à l’issue de laquelle un classement final est dressé par conférence. Montréal n’a ainsi jamais rencontré Vancouver en saison régulière, car cette dernière est située sur la côte Ouest du Canada. Les 8 premiers sont qualifiés pour les playoffs, ou séries éliminatoires. On a donc pour chaque conférence des quarts de finale, des demi-finales et une finale. Enfin, les deux vainqueurs de chaque conférence se rencontrent pour une finale générale qui désignera celui qui soulèvera le trophée tant convoité : la Coupe Stanley. Chaque fois, pendant les phases éliminatoires, les deux équipes concurrentes se rencontrent plusieurs fois, la première inscrivant quatre victoires à son compteur étant qualifiée pour le tour suivant. On peut ainsi avoir 7 matchs pour un quart de finale, soit 7 fois plus de suspense !

Le logo des Canadiens de Montréal
Comme dit précédemment, les Canadiens de Montréal constituent une fierté nationale et une institution au sein de la LNH même car équipe la plus vieille de l’association (1909), et aussi la plus titrée. Considérée comme le Real Madrid du hockey, l’équipe a soulevé 24 fois la Coupe Stanley. A titre de comparaison, la deuxième formation à avoir remporté le plus de titres l’a fait seulement 13 fois… Seulement voilà, la dernière consécration date de 1993. Depuis quelques années, les Canadiens ne sont ainsi plus l’équipe numéro 1 à battre, mais seulement une formation redoutée et qui attire le respect. Dans tous les journaux quotidiens de Montréal, on a ainsi une page au minimum relatant les aventures de l’équipe, les états d’âme des joueurs, les prévisions de victoires,… Et même au creux de la trêve estivale, lorsqu’il n’est même plus question de transferts, certains journalistes écrivent des articles pour souligner le fait qu’il n’y a rien à dire à propos de l’équipe en ce moment !
La chanson ci-dessous a ainsi été écrite par un groupe de musique très populaire au Québec pour célébrer l'équipe des Canadiens de Montréal.

 

Cette année, les Canadiens se sont encore une fois qualifiés pour les séries éliminatoires en mai. Ils affrontaient les Bruins de Boston, l’ennemi juré. Après avoir remporté deux victoires, Montréal s’est fait rejoindre à 2-2, puis est repassé devant à 3-2. S'en suivit une égalisation à 3-3, et on pouvait assister au match décisif. Et là, autant dire que l’ambiance était surchauffée, à base de "Go Habs ! Go !" (le logo de l'équipe est en effet le C de Canadian entourant le H de Habitants.) Pendant les trois tiers temps de vingt minutes chacun, interrompus par de très nombreux arrêts de jeu et des pauses publicitaires plus que lucratives, le combat était incroyablement serré, à tel point que les deux équipes finirent en prolongations et le sort devait être jeté par le cruel but en or, alors que le score était de 4-4. Au bout de quelques minutes, l’attaquant vedette de Boston marqua le but synonyme d’élimination, anéantissant les espoirs de voir une 25ème Coupe Stanley s'ajouter au palmarès du club. Quelques semaines plus tard, cette équipe-là même remportait la coupe Stanley face aux Canucks de Vancouver. O rage, ô désespoir ! Ostie de Bruins !


L'entraîneur de Boston savourant sa victoire








25 nov. 2011

Les tipp

 
Lorsque l’on voyage et que l’on entame une aventure quelque part, on redevient comme un enfant, dans la période où on s’éveille à la vie, lorsque l’on découvre tout ce qui nous entoure, et que l’on a envie de poser d’innombrables questions sur tout ce qui existe. Dans cet état d’esprit, on s’émerveille ainsi devant toutes ces nouvelles rues, toutes plus charmantes et plus longues les unes que les autres. Quelque temps après mon arrivée et ces premiers jours touristiques, où armé de mon appareil photo j’allais de découvertes en découvertes, je me décide à remplir quelques tâches administratives. Je commence par visiter quelques appartements, puis décide de signer un bail à compter du 1er avril et pour une durée de 3 mois.

Puis j'acquiers la carte de transport locale, OPUS, et je peux dorénavant me déplacer dans tout Montréal en transport en commun pour un mois. Au total pour le métro, 4 lignes colorées (orange, bleue, verte et jaune) décrivant approximativement un carré autour du Mont-Royal. Plus le réseau de bus, dont certains de nuit qui passent en moyenne toutes les 1/2h.



Je souscris ensuite un abonnement téléphonique chez Fido, un des plus grands opérateurs du pays : 25 « pièces » par mois, pour 50 minutes, une centaine de SMS, et appels illimités le soir et le week-end… On est loin des 50€ du révolutionnaire Néo by Bouygues Télécom, pour ne pas citer la marque ! Quelques jours plus tard, j’apprends même l’existence d’un opérateur spécialisé dans les cartes prépayées qui en offre à 35$ pour des appels illimités, 24/24h et 7/7j. Et pour une somme de 2,50$, je peux acheter un coupon chez le « dépanneur », ou l’épicier, me permettant de contacter la France six heures durant vers les téléphones fixes européens.

A ce propos, concernant les dollars : 1$=0,75€. Mais la conversion n’est pas nécessaire car la parité en pouvoir d’achat est à peu près similaire. Un menu dans un Burger King ou un PFK (Poulet Frit du Kentucky…) coûte alors entre 7 et 9$, hors taxes et TIPP ! Car à chaque achat, il faut ajouter au paiement près de 15% du prix affiché, plus 15% pour le pourboire si l’on est servi en salle, ce qui réserve souvent des surprises. Les serveuses ne manquent d’ailleurs pas de vous rappeler les usages en vigueur et de refuser les centimes. Ainsi, quelques jours après mon arrivée, je me rends à une soirée de l’Université anglophone Concordia, en compagnie de deux québécois rencontrés plus tôt dans la soirée et dans un bar. Je paye un verre à 2$ et effectue alors un calcul rapide : « 15% x 2$, ça nous donne 30 centimes. Je vais lui laisser 50 sous, ça devrait aller… » me dis-je. Que nenni ! Je me suis rapidement fait rappeler à l’ordre par la serveuse qui se met à me disputer presque violemment : 
-          « ho ! Je sais qu’en France, vous autres ne donnez pas de pourboire, mais ici c’est 1$ ou rien ! 
-           Ok, lui dis-je en bon négociant, on va couper la poire en deux. Voici 75 centimes.
-          Tu ne comprends donc rien ? Ici au Québec, tu me donnes 1$ ou rien !
-          D’accord ! Comme tu es très gentille… C’est rien ! Bye ! » Non mais ho, il ne faut pas abuser non plus !

 
J’ai en fait appris un peu plus tard que les serveurs étaient taxés à 8% sur les ventes qu’ils avaient réalisées.  En compensation, les clients laissent au moins 15% du montant de la table. Avec le temps, j’ai d’ailleurs appris à m’imprégner de cette culture du TIPP, puisqu’en percevant moi-même à « ma job. » Les québécois ont pour la majorité le réflexe de laisser un pourboire, même dans un café où il n’y a pas de service en salle (et donc pas de déclaration de la part des employés, soit pas de réelle obligation de laisser un pourboire.) Dans un restaurant et les bons soirs, un serveur peut ainsi gagner plusieurs centaines de dollars (rien qu’en pourboires !) par « shift », c’est-à-dire par journée de travail. Certains québécois s’offrent même le luxe de travailler tout l’été, soit 3 ou 4 mois, d’économiser quelques centaines de milliers de dollars, et puis faire le tour du monde pendant plusieurs mois. Que demander de plus ?!








Renaud TEILLARD


5 nov. 2011

Rue Ontario

Entre le 1er mai et le 30 juin, après avoir quitté la maison de Van Horne, je m’installe dans un appartement au croisement entre les rues Joliette et Ontario. Le nom du quartier, Hochelaga, est celui d’une ancienne bourgade iroquoienne ayant accueilli Jacques Cartier lors de son arrivée sur l’île actuelle de Montréal. L’endroit devint très industriel aux 19ème et 20ème siècles, puis connut de nombreuses faillites entre 1980 et 2000. La pauvreté et le chômage augmentèrent ainsi de manière significative. Ancien quartier ouvrier voire malfamé, l’endroit est ensuite peu à peu devenu agréable à vivre et familial, et conserve encore des loyers peu onéreux. 

Vue de la tour : mon logement, au centre dans la résidence en U
L’avantage principal du quartier, comme nous nous disons avec mes colocataires, c’est « qu’on trouve de tout à Hochelaga » (prononcer Hocheleugueu.) A quelques centaines de mètres de mon habitation, qui se parcourent très rapidement à vélo, mon principal moyen de transport, se trouvent le Stade Olympique, le biodôme et sa tour qui offre un panorama incroyable en 360° de Montréal. Sur la rue Ontario, bien connue des Montréalais, on retrouve tout ce que l’on désire sur 3 ou 4 blocs : des coiffeurs, des supermarchés, une Banque Nationale du Canada (celle qui abrite l’argent que j’ai gagné ici), un serrurier, des magasins très divers, une Armée du Salut et une Fripe-Prix offrant des vêtements à moins de 5$, un réparateur de vélos à bas prix, de nombreux dépanneurs, le marché Maisonneuve, une grande bibliothèque, de nombreux parcs, des Dollarama (ces magasins proposant de tout à 1$, de la vaisselle au savon, en passant par des écouteurs ou des déguisements.) Sans oublier les restaurants et les bars, dont l’un deux fut célébré dans un clip musical par un chanteur québécois renommé, Bernard Adamus. Je voyais d’ailleurs ce bar en question depuis le balcon de l’appartement. La chanson fut pour nous sujette à de nombreux délires : « où ça ? Rue Ontariooo !!! »




Le Bar St-Vincent, vu depuis le balcon
Notre logement est un 5½ meublé : 3 chambres, une cuisine, un salon, une salle à manger et une salle de bain. Sans oublier le plus important : un balcon de chaque côté, dont l’un faisant face au soleil du matin nous permet de profiter chaque matin d’un bon café bien éclairé. Nous avons bénéficié d’une aubaine hors du commun : les locataires actuels devaient déménager 2 mois avant la fin de leur bail, et nous sous-louent l’appartement pour un prix inférieur au loyer officiel : 200$ mensuels par personne, charges et internet inclus. L’endroit fait partie d’une coopérative d’une soixantaine de foyers, tous copropriétaires de l’endroit et se partageant les tâches ménagères et d’entretien.

Avant une soirée M, déguisés en Mario Bross,
en Marge Simpson, et en Marlboro cow-boy





Mes deux colocataires sont en PVT, comme moi. Le premier, Renato, est un belge d’origine italienne, toujours de bonne humeur et très dynamique. Avec lui et deux autres amis, nous avons d’ailleurs décidé d’acheter un van tout équipé pour parcourir le Québec et le Canada à la fin de l’été. La seconde colocataire se nomme Ana, et est originaire de Husum, au nord de l’Allemagne et à quelques kilomètres de la frontière danoise. Plus réservée et froide, nous apprenons au fur et à mesure à la connaître, à la faire sourire, et à lui faire partager notre fougue. 

Au bout de deux ou trois semaines, et ayant similairement le même rythme de vie (retour du travail entre minuit et 2h) nous prenons des habitudes : lorsque nous ne sortons pas « faire le  party » chez des amis ou à l’un des innombrables festivals qui regorgent à Montréal en été, nous nous installons tous les trois dans les nombreux canapés et fauteuils du salon à discuter et à « chiller » jusqu’aux aurores. N’ayant que des notions de français comme « bonjour » ou « merci », les conversations se font ainsi en anglais. Ces soirées-là, nous prenons coutumes d’appeler le même dépanneur : « Roger. »
La cuisine et une partie du salon
Au bout de quelques semaines, reconnaissant nos coups de téléphone commençant systématiquement par un enthousiaste et chaleureux « Hé M’sieur Roger, comment ça va ?! », l’homme ne nous demande plus ni notre nom ni notre adresse. Celui-ci arrive avec 1 ou 2 cartons de bières, en général des Boréales, et repart avec quelques cartons de bouteilles vides. Il faut savoir qu’ici, certains emballages sont consignés : bouteilles en verre, canettes,... Pour les premières, 10 centimes par unité sont ajoutées à la facture lors de l’achat, et 10 centimes nous sont rendus lorsqu’on les retourne à n’importe quel commerçant. Ce système-là, bien qu’écologique, est fortement critiqué. En effet, la compagnie de bières facture au vendeur 10 centimes par bouteille, qui sont répercutés au client. Il n’y a donc pas de bénéfice. Mais lorsqu’il s’agit pour le vendeur de récupérer ses 10 centimes auprès de la compagnie, c’est plus compliqué, car certaines d’entre elles refusent de récupérer les consignes pour quelque raison. Le vendeur perd ainsi en moyenne 1 à 2 centimes par consigne. Cela dit, lorsqu’on constate le prix de l’alcool à Montréal, on ne plaint plus vraiment le commerçant : un pack de 6 bières de 25 cl coûte environ 12$... La facture monte vite, et l’envie de boire descend ! 

Et pour le plaisir, voici le clip musical d'un groupe de jeunes originaires du quartier Hochelaga. Ne vous méprenez pas, ce n'est pas chanté en anglais...










Renaud TEILLARD

27 oct. 2011

Second Cup


Lors de mon arrivée à Montréal, je m’étais promis de profiter de la ville, de visiter et de m’amuser pendant une à deux semaines, puis de rechercher activement une source de financement. Fidèle à mes engagements, je commençai à postuler à divers endroits au bout de 10 jours. La restauration était la branche la plus demandeuse et la plus fructueuse, spécialement lors de la saison estivale et l’afflux touristique, m’avait-on assuré. Et on avait raison : le lendemain de mes premiers dépôts de CV, on m’appelait pour un entretien à la fin duquel on me donnait déjà la date de mon premier jour de travail. L’endroit se nommait Second Cup (ou « Deuxième Tasse », pour certains irréductibles Québécois fortement attachés à la langue française), une chaîne de cafés canadienne comparable à Starbucks, avec un positionnement de véritable spécialiste du café et plus haut de gamme, accompagné d’une fidélisation accrue, bien plus à travers le comportement très amical de ses employés envers les « invités » que par une véritable politique de marketing fidélisant.

Avant de prendre mon premier « shift » (terme largement utilisé dans le secteur pour désigner une plage horaire), on me fit suivre une formation à distance : l’ensemble était composé d’une vingtaine de modules tous finalisés par une évaluation. Le début de la formation était une formidable preuve de la réussite du marketing corporate nord-américain portant les employés à aimer leur travail et leur entreprise. Dès les premières pages, la présentation du groupe se faisait sur un ton qui me poussait à devenir le premier fan de Second Cup ! Création en 1975, 360 franchises dans le pays  et quelques unes au Moyen-Orient, plus de 5.000 vendeurs associés, des cafés systématiquement équitables et majoritairement certifiés équitables par des organismes comme Rainforest Alliance, Fair Trade, ou Ocia,… La suite me transformait en un véritable expert du café ! On m’y expliquait la chaîne intégrale de transformation que suivait le café, depuis la cueillette en grain ou en grappe jusqu’à la gorgée savoureuse de café moulu. On me présentait les caractéristiques et origines de chaque café proposé, sachant que 20 à 30 sortes différentes étaient mises en vente : Cuzco péruvien, Sumatra Mandheling, Royal Blend, Limu éthiopien, Paradiso, Continental, Minita Tarrazu, Vanille Française, Espresso forte,… Le reste de la formation consistait enfin en une présentation des classiques consignes d’hygiène et de travail.

Le Second Cup où je fus embauché se situait sur l’avenue du Mont-Royal Est, grande artère très connue et fréquentée, aussi surnommée par certains « la Petite France » en raison du nombre très important de Français installés dans le quartier. L’intérieur chaleureux offrait le loisir de s’étendre sur les confortables fauteuils et de profiter du WiFi, et la terrasse extérieure, au coin avec la rue Saint-André, avait une vue imprenable sur les passants. Mes premières semaines dans ce café furent laborieuses au regard du nombre important de recettes chaudes et froides qu’il fallait connaître et préparer. L’accent québécois fut également une grande difficulté pour moi aux débuts, et maintes fois je dus faire répéter leurs commandes aux clients. Les premiers temps furent également peu chargés en termes d’horaires de travail, soit moins de 20h par semaine. Au bout d’un mois, ayant acquis de l’expérience et de l’assurance, je m’autorisai à revendiquer un planning suffisamment fourni, ce que j’obtins en héritant peu à peu de la majorité des « close » ou fermetures. En juin, on me confiait ainsi les clés du café et je devenais officieusement « the closeman », en effectuant des shifts de 16h à minuit ou 2h, et en totalisant une moyenne de 45h par semaine (mon record : une journée de 14h et une semaine de 58h.)

Le stand de Second Cup lors
des Nuits Blanches
Le gros avantage du travail de soir résidait dans le calme (qui boit du café le soir ?) et l’opportunité d’apprendre à connaître mes collègues, tous âgés de moins de 30 ans. Je créai ainsi des liens forts avec Annabelle, jeune Française énergique et souriante travaillant à mi-temps dans la confection de vitraux ; Kerry, une étudiante canadienne anglophone de prime abord très sage et raisonnée mais en fait très « chill et fine » (amusante et sympa) ; Laura, jeune Québécoise excentrique et empathique d’origine roumaine ; et bien d’autres encore. Ne travaillant qu'avec des filles, ce fut au départ fort agréable, mais par la suite une présence masculine et solidaire n’aurait pas été de trop. Travailler de soir me permettait également de discuter avec la clientèle, composée à 30% d’habitués dont certains devinrent des amis. J’appris ainsi beaucoup du Québec et de ses habitants, et je me pris parfois à discuter avec certains de philosophie, de métaphysique, de religion ou de science une heure durant.

Des habitués du café
Toutes les 2 semaines, mon salaire était viré sur mon compte à la Banque Nationale du Canada. Au Québec, la tradition veut que ce jour tombe un jeudi, chaque semaine ou une sur deux, et que ce soir-là les bars et les clubs fassent salle comble pour célébrer ce grand jour. Pour ma part, en plus du salaire, je percevais une partie des Tipps ou pourboires (divisés quotidiennement et également entre les personnes présentes.) La chose la plus étonnante, c’est qu’à partir du moment où il n’y a pas de service en salle, les tipps ne sont pas taxés et donc pas obligatoires. Mais il existe une tradition du pourboire telle que si une coupelle affiche un généreux « POURBOIRES MERCI », la majorité des clients laissent quelques centimes ou quelques dollars. En moyenne, ceux-ci s’élevaient ainsi à 50% de mon salaire.

A la mi-août je démissionnai, avec une légère tristesse il faut l’avouer. Mais une autre aventure bien différente m’attendait : un road-trip à travers le canada en camper-van…








Renaud TEILLARD

8 oct. 2011

Le Mont-Royal

Le Mont-Royal est un élément mythique et bien surprenant de Montréal : c’est une grande colline encore majoritairement boisée située au milieu de la ville, longue d’environ 4km entre ses extrémités. Recouverte de neige jusqu’à la mi-avril, elle devient l’été le rendez-vous incontournable de tous les montréalais et touristes en quête de nature, de randonnées pédestres ou cyclistes, ou en recherche d’un panorama incomparable sur la ville de Montréal et ses alentours.
Les mythiques tams-tams du Mont-Royal
Au bas de la colline, chaque dimanche durant les beaux jours, on peut également y retrouver les fameux « tams-tams » de Montréal : un regroupement spontané et libre de dizaines de percussionnistes, autour desquels se retrouvent des centaines de personnes. Les plus motivés se déhanchent, les uns regardent, les autres se reposent sur les pelouses, jouent, discutent ou passent tout simplement leur temps à profiter de la vie. Un moment unique où tout le monde vibre au son des djumbés, bongos, tambours et autres tams-tams.




Une skieuse de fond au Mont-Royal
Historiquement, en 1535 jacques Cartier était conduit au sommet du mont par la tribu des Indiens d’Hochelaga (aujourd’hui le nom du quartier où j’habitai durant 2 mois.) Contemplant la vue, il lui donna le nom de Mont-Royal, sous-entendant ainsi que l’endroit était digne d’un prince. Une deuxième version du nom de la colline affirme que l’homme était lié d’amitié avec un haut dignitaire italien du nom de Monreale, et qu’il lui donna ce nom en son hommage. Ma version, plus loufoque mais que je préfère, est la suivante : arrivé au sommet du mont et époustouflé par la beauté de l’endroit, Jacques Cartier s’écria : « Woah, c’est royal, ici ! » Et ses acolytes pour le « niaiser », ou le taquiner, surnommèrent la colline le Mont-Royal, surnom qui devint peu à peu le nom officiel du lieu.


Le panorama sur le downtown de Montréal

La première fois que je m’y rendis à pied, ses pentes étaient encore couvertes d’un grand manteau de neige. Pour monter jusqu’au belvédère et au point de vue sur le centre-ville et ses tours, je dû marcher une longue heure, tentant par endroits de sortir des sentiers pour me rendre compte des dangers du verglas… En chemin, je croisai d’étonnants skieurs de fond qui, pour certains d’entre eux, faisait ce sport chaque fin de semaine. Voir ça au beau milieu de la ville, dieu que c’est dépaysant ! Arrivé au sommet essoufflé, je pus enfin admirer ce magnifique panorama sur le « downtown » : les tours du centre-ville, le collège McGill faisant d’avantage penser à une ancienne forteresse à l’anglaise qu’à un centre de formation, le fleuve Saint-Laurent dans le fond, la rive sud et au loin, les monts Saint-Bruno et Saint-Hillaire. Au bout d’un moment, un québécois m’aborda et me demanda si j’acceptais de poser devant son objectif en me coiffant d’un chapeau gris surmonté d’un volant de badminton rouge. L’homme s’inspirait du concept du nain voyageur d’Amélie Poulain, en prenant des photos de personnes rencontrées dans tous les endroits du monde où il s’était rendu. Il se disait « saumoniste », un nouveau courant artistique semblait-il inventé par lui-même (rien que ça !)

Mon ami l'écureuil
En continuant mon chemin à travers bois, je distinguai une surprenante créature cachée derrière un tronc, une sorte de petit rongeur brun à la queue touffue. Un écureuil ! Chouette, me dis-je alors, je vais tenter de m’approcher de lui. M’approchant très doucement de quelques pas, m’accroupissant et me tassant au maximum pour diminuer mon volume et la menace que je pouvais représenter, je tendis doucement la main, paume vers le ciel, pour faire croire à l’animal que je luis offrais de la nourriture. Le rongeur hésita, puis se rapprocha de moi. Il se dressa sur ses pattes arrière, museau au vent pour humer ces victuailles imaginaires. Dupé, il s’approcha d’avantage. Je voyais dans ses yeux et son langage corporel le trouble né du mélange entre la peur et la gourmandise. Ce fut finalement la dernière qui prit le pas, car il finit par poser ses petites pattes avant et son museau dans ma main, cherchant désespérément la nourriture attendue. Désolé, l’ami, mais il n’y a rien. Déçu, l’écureuil se retourna et prit la direction de sa cachette. A mi-chemin, il s’arrêta, tourna sa tête vers moi, et nous échangeâmes un long regard empli d’émotions, tous deux satisfaits d’avoir partagé un grand moment avec une autre espèce. Enfin, mon nouvel ami s’en retourna parmi les siens. Content et assuré d’avoir eu un moment privilégié, je redescendis vers le bas de la montagne. Je marchai une heure, et déjà mon ami l’écureuil me manquait. Arrivé proche de la civilisation, de ses routes et de ses voitures, mon rongeur réapparut et traversa la route à toute vitesse, sans me jeter un seul regard ! Pfff, tous les mêmes, me dis-je… Quelques centaines de mètres plus loin, je le retrouvai sur le bord d’une poubelle. Cette fois-ci, c’est moi qui le snobai, agacé. Encore plus loin, je le revis, avec un pelage semblait-il plus clair, et une patte en moins. Tu n’as que ce que tu mérites, pensai-je. Quelques instants plus tard, je recroisai encore mon écureuil… Mais diable, il s’est fait greffer une nouvelle patte ?
En mettant sous tension mon cerveau, en faisant chauffer mes neurones, et en réfléchissant, je me dis que tout cela était louche. Un écureuil qui me suivait en se déplaçant aussi vite, qui changeait de couleur, qui perdait une patte et la récupérait aussi vite, ça clochait ! Peut-être était-ce un mutant ? Ou une expérience du gouvernement canadien pour envoyer des petits robots éclaireur en forme d’animal en Corée du Nord ? Peut-être étais-je en proie à quelque hallucination, après qu’on m’ait versé une drogue dans ma boisson au PFK ?
Après mûre réflexion, je réalisai enfin que ce n’était pas le même écureuil que je voyais depuis quelques heures, mais que la ville en était en fait remplie, et qu’ils étaient ici considérés comme des rats… « Je suis poche ! »

Ci-dessus, un aperçu des tams-tams de Mont-Royal et de la "vibe" qui s'en dégage.










Renaud TEILLARD

24 sept. 2011

L'érable et les cabanes à sucre

Il est bien connu que l’emblème du Canada est l’érable, avec la fameuse feuille présente au milieu du drapeau national. En effet, le pays produit 78% de la récolte mondiale, dont 95 % dans la seule province du Québec. Il ne faut alors pas s’étonner du nombre important de préfabriqués en bois vendant des produits à base d’érable dans les rues de Montréal. On y déguste volontiers des pancakes au sirop, de nombreux autres mets généreusement arrosés du produit, et bien sûr l’incontournable « tire », cette sorte de sucette dont je parlerai plus bas. Mais l’une des spécialités du Québec, dont on m’a beaucoup parlé avant et après mon arrivée à Montréal, c’est la sucrerie, communément appelée « la cabane à sucre. » En somme, c’est l’érablière où est cultivée la fameuse sève de printemps des érables, servant à fabriquer de nombreux produits alimentaires, dont l’incontournable sirop d’érable. En visitant l’une de ces érablières, on y peut découvrir les secrets de fabrication de ces produits, et également profiter d’un repas très riche et convivial.


L'érablière Saint-Henri
Après avoir découvert l’autoroute A20 vers le Nord une heure durant et visité quelques routes de campagne des Basses Laurentides, mes amis Emeric, Alice et moi-même empruntons la route Sainte-Marthe, puis le Chemin du Ruisseau Nord, un long sentier de terre et de cailloux qui passe par des champs de graviers ou des petits bois. Nous arrivons enfin à destination : l’Erablière Saint-Henri. De l’extérieur, c’est un grand chalet en bois entouré d’une forêt d’érables, où est installé un simple mais ingénieux système de récolte de la sève : des tubes métalliques plantés dans les troncs sucent la sève de l’érable, et sont reliés à de fins tuyaux bleus qui transportent le précieux liquide jusqu’à l’érablière grâce à un système de pompage. Là, la sève est recueillie dans de grands bacs qui font monter la température de la sève jusqu’à ébullition, et ce en plusieurs étapes, pour que l’eau s’évapore et qu’il ne reste à la fin du processus qu’un liquide consistant et sucré. Il est à noter que la sève brute ne contient qu’à peine 3% de sucre, et que pas moins de 40L sont nécessaires pour produire 1L de sirop.

Le système de récolte de la sève
Les acériculteurs, car tel est leur nom, effectuent un travail minutieux et calculé : la période de récolte ne s’étale que sur 20 jours dans l'année, à la fin de l’hiver lorsque la température est négative la nuit et positive le jour ;  la température doit être de 103,5°C environ, à adapter à l’altitude et la pression atmosphérique du moment.
Après avoir discuté avec les deux acériculteurs présents sur les lieux,  nous nous installons à l’une des tables de la cabane à dégustation où on peut entendre de la musique traditionnelle du Québec (La Bottine Souriante, Gilles Vignault,…) Et pour quelques « pièces », nous profitons d’une repas varié, riche en protéines, en vitamines et en cholestérol : on nous amène ainsi du pâté salé, à déguster avec une grosse miche encore chaude, tout droit sortie du four ; une généreuse soupe aux poireaux, pommes de terre, pois chiches et lard ; une copieuse salade de choux et carottes ; d’épais bouts de saucisses, du jambon, des haricots et du bacon cuits dans du sirop d’érable ; des « oreilles de cris », ce gras de bœuf grillé en forme d’oreilles ; du ragout de boulettes de viandes ; du flan d’œuf, sorte d’omelette consistante ; de la tourtière à la viande, et bien évidemment des pommes de terre. Le tout agrémenté de cornichons macérés dans du sirop et larges comme mon poing, de betteraves, de chesnut, de sucre, sirop et beurre d’érable. Malgré la faim qui nous tiraillait avant d’entamer le repas, et le fait que ces mets soient proposés à volonté, nous n’en demandons pas d’avantage, d’autant que le dessert n’a pas encore été servi : des « grand-pères », sortes de pain perdu cuit au sirop d’érable, des pancakes, une tarte au sucre et une tarte au sirop d’érable. Tabarouette, j’ai crissement bien mangé !

La tire
Après une rapide digestion, on nous propose enfin de découvrir la tire : on verse du sucre encore chaud sur un bac de glace, et avec des bâtons de sucettes nous enroulons le sucre autour. Une petite douceur avant de reprendre la route, pour retourner au travail et à la vie citadine montréalaise !
















Renaud TEILLARD




8 sept. 2011

Qui s'y frotte, s'y pique !

Quelques jours avant mon départ, je regardais un reportage sur les relations entre forces de l’ordre et jeune délinquance, à Paris et dans la banlieue. On y voyait notamment une intervention policière, faisant suite à un appel de la part d’une personne âgée venant de se faire voler son sac à main. Une timide Renault Scénic aux couleurs de la Police Nationale, transportant 4 agents sur leurs gardes, arrivait sur les lieux du délit. Les policiers en sortaient pour rencontrer la victime et la rassurer. A peine quelques secondes s’étaient écoulés que déjà une quinzaine de jeunes s’étaient attroupés et haranguaient les policiers. Inquiets pour leur propre sécurité, ceux-ci rentraient rapidement dans leur véhicule qui démarrait en trombe, alors que les pierres commençaient à fuser. Sous la caillasse, 2 vitres se brisaient. Un des agents faisait alors la moue, et précisait le caractère routinier de l’intervention…

Police de Montréal
Le premier jour de mon périple québécois, je lis en une de 24H, un journal gratuit quotidien « Un policier tabassé. » Nous ne sommes donc pas les seuls, me dis-je alors, presque rassuré. Me rendant à la page de l’article, j’imagine le récit douloureux d’un agent jeté à terre, croulant sous les coups de pied gracieusement offerts par une bande de quinze jeunes ou d’avantage, qui le laissent pour mort et s’enfuient en plaisantant, fiers de leur forfait. Je commence alors à lire l’article en question, et quelle n’est pas ma surprise lorsque je découvre l’histoire bouleversante d’un policier en civil et pas en service qui, à la sortie d’un bar au milieu de la nuit, légèrement grisé, et à la suite d’une querelle avec un habitué de l’établissement, se fait… « frapper au visage par deux fois » ! Oh mon Dieu, quelle horreur ! Je vous jure, tout de même, quelle violence !
Voitures de police
Quelques jours plus tard, je me rends à pied avec des amis dans un bar, et au coin d’une rue, nous voyons une voiture garée au milieu du passage pour piétons. Le conducteur aura sûrement pensé qu’à cette heure de la nuit, s’il laisse son véhicule ici quelques heures, il ne risque pas grand-chose. Grossière erreur ! Autour, pas moins de quatre voitures de police sont stationnées, gyrophares allumés. Les agents sont en train de discuter, sans doute en attendant l’arrivée de la fourrière. Aux grands maux les grands remèdes, dit-on justement !
Je commence peu à peu à m’habituer à ces excès. Ainsi, au mois de mars de cette année, le gouvernement québécois annonce une augmentation des frais de scolarité des établissements publics supérieurs de 325$ par an dès 2012 et jusqu’en 2016. Pour dénoncer cette décision, près de 2.000 étudiants organisent une manifestation pacifique le 31 mars, partant du Square Victoria (proche de là où était située l’auberge de jeunesse dans laquelle je séjournais avant d’emménager.) Le défilé continue sur le Boulevard René Lévesque jusqu’au Boulevard Saint-Laurent. Suivant de près la manifestation, je vois un véritable convoi de voitures de police resserrées (j’en compte 16), chacune pourvue d’un important équipement informatif à faire pâlir les Bill Gates et autre Steeve Jobs et qui empiète sur le siège passager à tel point que même un teckel devrait y serrer les pattes. La section est clôturée par quelques sept fourgons blindés, prêt à déployer leurs armes de destruction massive si seulement l’ombre d’un crachat effleurait le sol. Et pour ajouter un peu de naturel dans ce pays où l’écologie semble prendre une part importante dans la vie quotidienne (du moins à travers les publicités et autres messages), un régiment de police montée encadre la manifestation. « Calice ! », me dis-je, en prenant garde de ne pas le murmurer, par peur des représailles…
Une du Journal de Montréal
Après trois semaines passées ici, j’ai donc compris que la société québécoise est particulièrement calme et pacifique. Mais ici-bas, il y a systématiquement une thèse et une antithèse, une chose et son contraire, une partie et sa contrepartie. Ainsi, chaque évènement qui rompt ce calme le fait franchement. Au cours du mois de mars, me raconte ainsi une serveuse du café où j’ai récemment été embauché, un gang armé y a surgi en début de soirée, emporté la caisse et allégé de son ordinateur portable chaque client présent, avant de s’enfuir au volant d’un puissant 4x4 aux vitres teintées. Retrouvés par la police montréalaise quelques heures plus tard, ils détenaient dans leur coffre un arsenal d’armes de gros calibre, de nombreux objets technologiques destinés au marché noir et quelques kilogrammes de drogues. Ils risquent la prison à vie. A ce propos, au Canada, toute personne reconnue coupable de meurtre est condamnée à perpétuité. Il est clair que cela réduit l’envie de tuer… 
C’est pourquoi, avec seulement 4.600 policiers, le budget annuel à Montréal n’est que de 587 millions de dollars $CN (environ 437 M€), soit moins de la moitié du seul budget alloué à la police municipale parisienne, pour un nombre d’habitants inférieur de quelques centaines de milliers.
La politique est donc très simple : tant que tu marches droit, tu n’auras aucun problème. Si tu sors des sentiers battus, c’est une toute autre histoire ! 180$ d’amende si tu es surpris à uriner en pleine rue. 90 jours de suspension de permis si tu conduis avec un taux d’alcoolémie supérieur à 0.08%. 306$ si tu es en état d’ébriété sur la voie publique. En clair… fais gaffe !


Humour québécois : la Police Donut




24 août 2011

Van Horne

Ma chambre à Van Horne, voisine du salon principal
La maison dans laquelle j’emménage au début de mon année canadienne est située à quelques enjambées de la station Plamondon, Avenue Van Horne (prononcer avec l’accent s’il vous plaît), au coin avec le Chemin de la Côte des Neige, qui est d’ailleurs plus un boulevard qu’un véritable chemin. Le quartier est multiculturel, au regard des nombreux pakistanais, indiens, chinois et juifs. Tout est à proximité : le supermarché IGA ; quelques restaurants et marchés aux fruits ; la mine d’or Dollarama où l’on trouve tout à des prix réduits (shampoing à 2$, jeu de carte à 1$, casserole à 2$, drapeau du Québec à 1$50,…), bien sûr au détriment d’une qualité bonne et durable ; un « dépanneur » à un bloc,… La zone voit alterner des résidences à densité moyenne et de grandes et jolies maisons de brique rouge ou en pierre de taille.


Et le salon en question
La maison dans laquelle j’habite est divisée en 3 appartements, dont 2 reliés directement par l’intérieur et un autre sur le palier voisin. Au total donc, 3 adresses reliées entre elles : le 4053, 4055 et 4057 avenue Van Horne. Chaque niveau possède ses propres dépendances : cuisine, salle de bain, salon ou salle à manger.
Elle est partagée par 15 colocataire, tous âgés entre 20 et 30 ans et majoritairement français, dont Clémence, une amie d’enfance de ma sœur Anne-Laure. Parmi eux, beaucoup de stagiaires ou d’étudiants, ce qui n’est pas surprenant au vu de la courte distance séparant l’endroit de l’Université de Montréal et d’HEC Montréal.
Quinze personnes, c’est beaucoup, me direz-vous. Certes, mais cela entraîne chaque fois d’excellentes découvertes : la pétillante et énergique Céline alias Gigi, jeune Basque en stage de communication ; Antoine, un bien sympathique Roubaisien en stage de gestion de patrimoine ; Aurélien, un Bordelais étudiant à Sciences Po Montréal, qui fut également dans la promotion en-dessous de la mienne en classe préparatoire il y a 6 ans (encore une coïncidence !) ; Joséphine alias Jawes, gentille et amicale Nancéenne étudiante en pharmacie ; Salah, un Québécois « franchisé » et de bref passage à Montréal avant de retourner au Luxembourg pour un CDI ; sans oublier la locataire principale des lieux, Djamila, une Québécoise d’origine algérienne et avocate, avec qui j’ai en partie découvert le fonctionnement du droit québécois.

La terrasse, rimant avec barbecue et party
La collocation est assez fêtarde : une fois par semaine au moins, en général le vendredi, plusieurs de dizaines de personnes investissent le salon, la cuisine ou les couloirs. Ce sont en majorité des anciens colocataires habitués aux lieux, tels Manny, Thibaut, Ophélie ou Eddy, ou encore des collègues ou des amis des locataires. La fête bat son plein quelques heures durant, et peu après minuit, les noctambules motivés se rendent en général dans le centre-ville en taxi (peu onéreux en comparaison avec les services parisiens), pour profiter des clubs de Montréal : le célèbre et agité bar irlandais McKibbins ; le gigantesque Café Saint-Sulpice, ses quatre niveaux et sa terrasse immense ; le mythique Club Altitude 737 et sa vue sur Montréal depuis son 47ème étage ; et  sans oublier les incontournables Foufounes Electriques. Attention à ne pas s’y méprendre, une foufoune est, au sens québécois, un terme gentil et enfantin pour désigner les fesses. Sans s’y attarder, le mot est bien évidemment sujet à de nombreuses « niaiseries. »

L’ambiance est très sympathique et amicale. Le jour de la signature de mon bail, je monte saluer mes futurs colocataires, et le temps passant nous finissons par nous rendre au Club de Curling de Montréal pour découvrir ce sport trop peu connu, et à tort ! En effet, bien qu’en tant que spectateur, la discipline semble ennuyeuse et sans grand intérêt, on a vite fait de se prendre au jeu. Deux équipes s’affrontent sur une même piste de glace longue de quarante mètres, et le but est d’obtenir un maximum de « pierres », ces boules faites de granite poli pesant une dizaine de kilogrammes, le plus proche du centre de la cible, appelée « maison ». Le match se déroule en 10 « bouts », ces parties où chaque équipe lance 4 pierres. Le principe est donc le même que celui de notre chère pétanque. Les teams sont composés d’un skipper, celui qui va donner les instructions à l’autre bout de la piste, d’un lanceur, et de deux balayeurs. Etre l’un de ces derniers est indiscutablement le plus fatigant : lorsque la pierre paraît trop lente, il faut polir la glace et réduire l’effet de friction avec la pierre. De la technique, du sang-froid et de la précision sont indispensables, et chaque erreur peut faire perdre la partie. Pour vous familiariser avec ce sport, je vous conseille vivement de vous régaler avec cette courte vidéo de curling.


Ce jour-là, faisant équipe avec Marek, Aurélien et Antoine, nous  remportons le match après 2h38 d’un match très disputé, grâce à notre précision diabolique, et aussi en partie grâce à la géniale maladresse de Gigi, l’une de nos valeureuses adversaires. Celle-ci, en un seul et unique lancer, éloignait la totalité de ses pierres de la maison, nous offrant 4 précieux points, synonymes d’une avance insurmontable. Après cette offrande, nous sachions conserver notre avance, et remporter finalement la partie par le pointage de 13 à 4. Victoire écrasante, donc, de cette prometteuse équipe de Van Horne n°1, contre cette belle équipe de Van Horne n°2, qui n’a pas démérité. Good game !








Renaud TEILLARD


6 août 2011

La ville de Québec

Les villes de Québec et de Montréal sont séparées par environ 250 kilomètres. Pour s’y rendre, de nombreuses personnes empruntent l’autocar et payent près de 80$ pour l’aller et le retour. Une manière plus confortable, moins onéreuse et qui engendre de bonnes rencontrent est de passer par le site web de covoiturage Amigo Express, qui nous met en contact avec un conducteur. Les frais d’essence sont ensuite à définir avec ce dernier. On en vient dont à 40$ aller et retour, en étant plus rapide et en sociabilisant. Avec Renato, l’un de mes colocataires actuels, nous décidons d’opter pour cette solution au milieu du mois de juin, pour enfin visiter cette ville historique à l’égard de laquelle les gens ne tarissent pas d’éloges.

Le Vieux-Québec
Après 2h30 de route, en compagnie d’un Français installé depuis 5 ans au Québec et d’un Québécois pure souche, nous arrivons enfin dans la capitale du Québec. Là, nous sommes hébergés par Mike, un ami d’ami qui réside temporairement chez Manu, un de ses amis, qui lui-même vit chez une de ses amies (tout le monde suit ? Parce que moi, je n’ai pas trop compris…)
Après avoir fait connaissance avec notre hôte, nous nous dirigeons vers Saint-Jacques, petite rue commerçante où alternent bars, restaurants et magasins touristiques. L’endroit possède un charme très prononcé, avec des bâtisses bien plus européennes qu’à Montréal, de jolies maisons inspirées de l’architecture de Saint-Malo, la ville natale de celui qui découvrait le Québec, l’illustre Jacques Cartier. A ce propos, le nom de Québec tire son nom de l’amérindien Kebec, qui signifie « là où le fleuve se resserre. » La ville a en effet été fondée à l’endroit où le Saint-Laurent se fait plus étroit.
Pour en revenir à notre périple, nous visitons quelques bars dans la vieille ville, en compagnie de Québécois fort sympathiques, avant de se restaurer puis de se coucher totalement repus.

Devant les chutes de Montmorency, hautes de 83 mètres.
De droite à gauche : notre hôte Mike,
mon colocataire Renato, et un mai Pierre.
Le lendemain matin, nous nous rendons en voiture à une dizaine de kilomètres hors de la ville, aux chutes de Montmorency (nommées ainsi en l’honneur de l’amiral de France de la fin de XVIème siècle.) Plus hautes de 30 mètres que les chutes du Niagara, mais évidemment bien moins larges, elles dégagent une puissance telle qu’on se sent rapidement dépassé par cet élément. Les tourbillons font s’envoler de telles quantités d’eau qu’en s’approchant à moins de 50 mètres, on devient trempé des pieds à la tête. Nous nous promettons de revenir un jour où le temps sera au beau fixe, armés de maillots de bains, de serviettes et d’affaires de rechange, pour éviter le passage obligatoire par le sèche-linge que nous avons dû effectuer cette fois-ci.

Le Château Frontenac
Après avoir laissé notre hôte vaquer à son travail, Renato et moi décidons de visiter le vieux Québec, situé sur la partie haute de la ville, et nommé en conséquence la « Haute-Ville. » De ravissantes rues pavées, des bâtiments très historiques, et notamment le château Frontenac et son grand toit vert, le célèbre symbole de la ville. L’endroit est, je l’ignorais, un hôtel. Ca rompt un peu le charme, à mon humble avis. Mais le bâtiment reste une splendeur tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, où les parois du hall principal sont intégralement recouvertes d’or. La terrasse Dufferin, au bas du château, offre un beau panorama sur la Basse-Ville, le fleuve et la rive d’en face. Et en descendant vers le Sud le long de cette terrasse, on parvient rapidement à la citadelle, toujours en service, qui surplombe les mythiques plaines d’Abraham. En 1759, sur ces terres, eut lieu une féroce bataille opposant les troupes britanniques, dirigées par le général Wolfe, aux forces françaises commandées par le général Montcalm. Les deux officiers périrent lors des combats, à seulement une journée d’intervalle. La bataille des plaines d’Abraham marqua le point de départ de la conquête de l’Empire Britannique.  


Le soir même de notre visite et la veille de notre retour pour Montréal, « un party » est organisé dans la vieille ville, sponsorisé par un grand groupe de Médias. C’est le « pinch of love » (barbiche de l’amour), célébré chaque année pour fêter la fin du CEGEP de Québec (Collège d’Enseignement Général et Professionnel), équivalent du Baccalauréat français. Environ 10.000 jeunes se regroupent sur la Grande Allée, la rue traversant le Vieux-Québec, entre 15h et 1h, tous déguisés avec de courts vêtements des 1980’s et portant les longues moustaches typiques de l’époque. La soirée est assez amusante, et nous prenons au jeu de nous raser la barbe, pour ne laisser que de grosses moustaches descendant jusqu’au bas du menton. Que ne faut-il pas faire pour s’intégrer ?!


Hommage aux Corsaires malouins









Renaud TEILLARD

27 juil. 2011

La Nouvelle-France ou les prémices du Québec

Gravure de Jacques Cartier

L’histoire du Canada commence avec celle du Québec. En effet, l’explorateur Malouin Jacques Cartier découvre ce pays en 1534, bercé par les puissants courants du fleuve du Saint-Laurent. Avant de porter ce nom, ce dernier avait été nommé Rivière des Morues, Grande Rivière, France Prime, rivière des Iroquois ou encore Rivière du Canada. Cette dernière appellation fait d’ailleurs écho au fait que le Canada de jadis désignait le Québec d'aujourd’hui. Un an plus tard, Jacques Cartier lance l’exploration du fleuve, parvient sur les plaines actuellement recouvertes par la ville de Québec. Il poursuit vers le Sud et rencontre la tribu d’Hochelaga, occupant le sol de l’actuelle agglomération de Montréal, où il nomme Mont-Royal la colline dominante.



La traite des fourrures, raison d'exister pour la Nouvelle-France
Revenu bredouille de ses voyages, ou du moins sans métaux précieux ou passage vers l’Asie, le Royaume de France de François 1er se détourne du Canada. Et ce sont les marchands qui font renaître l’intérêt envers ce pays en débutant le commerce de la fourrure, échangé contre le métal européen. Le commerce de peaux sera par la suite responsable de la conquête vers l’Ouest, notamment grâce à la Compagnie de la Baie d'Hudson. De plus, ce commerce oblige à instaurer des relations durables avec les autochtones, ce qui entraîne l’installation des premiers colons dans la région.


Mais la colonisation de la Nouvelle-France commence véritablement avec la fondation de la ville de Québec, dérivé du mot Iroquois « Kébec », signifiant « lieu où la rivière se rétrécit ». Le lieu choisi par Samuel de Champlain comporte de nombreux avantages parmi lesquels un relief permettant une grande capacité défensive, et une abondante richesse en fourrures et en terres fertiles. Les premières maisons sont construites en 1608, et un fort imposant est érigé.

Durant près de 60 ans, la colonisation avance cependant très lentement : elle est confiée à des compagnies commerciales souvent soucieuses de leur propre profit, et peu nombreux sont les Français attirés par la Nouvelle-France. En 1662, seules 3.000 personnes peuplent la colonie. Mais Louis XIV modifie l’administration de la province et nomme de nouvelles personnes à sa tête. De nouvelles politiques sont mises en place et le peuplement du Québec reprend peu à peu. 70.000 habitants seront recensés en 1760.

La victoire française du Fort Carillon
Et pendant ce temps, l’Europe et les empires coloniaux se livrent à de féroces guerres. C’est celle de Sept Ans qui dessine les premiers contours du Canada et du Québec d’aujourd’hui. Ce conflit, souvent comparé à la Première Guerre mondiale, oppose principalement le Royaume de Grande-Bretagne et le Royaume de France. Les affrontements débutent aux Amériques en 1755. Les Français, alliés aux Indiens, se battent souvent en sous-nombre mais remportent de brillantes victoires, à l’image de celle du Fort Carillon (1758) où 3.000 Français repoussent 16.000 Anglais. Mais en Europe, la France s’affaiblit et  concentre ses efforts sur son propre sol. Le Royaume suspend ainsi peu à peu l’envoi de renforts humains et matériels vers le Québec, alors que la Grande-Bretagne poursuit son effort militaire et ses approvisionnements. Tant et si bien qu’en 1759, la capitale de la Nouvelle-France, la ville de Québec, tombe aux mains des forces ennemies à l’issue de la batailles des Plaines d’Abraham, sur lesquelles on célèbre aujourd’hui la « Fête nationale du Québec », et au cours de laquelle périssent les deux généraux ennemis, James Wolfe et le Louis-Joseph de Montcalm. Cette prise mène rapidement à la défaite totale des Français. En 1763, le Canada devient colonie britannique.

Cet épisode marque aujourd’hui encore les esprits des Québécois, digérant mal ce qu’ils considèrent comme un abandon pur et simple de la part du Royaume de France.








Renaud TEILLARD